Parmi de nombreux moments de bonheur, je me souviens particulièrement de cet accueil dans un village que je ne connaissais pas.
Sebastian, l’ami indien qui m’y emmène, tente de m’expliquer, en anglais avec un terrible accent, ce qui s’y passe…en vain…J’ai l’impression de marcher sur des œufs, tellement je veux passer inaperçue et me glisser parmi eux naturellement. Mais forcément, avant même de n’avoir vu quelqu’un, ils sont déjà tous alertés de ma présence. En quelques minutes, des enfants courent à ma rencontre, des femmes m’invitent à entrer chez elles, et je deviens l’invitée de marque d’une cérémonie. Je me sens vraiment gênée d’être accueillie comme une princesse.
La fête consiste à célébrer les premières règles d’une jeune fille de 12 ans : sa fertilité. Tout le village s’est formé en procession et apporte des offrandes à la famille : des bananes, des noix de coco, du riz, un sari... Un petit concert lui est dédié avec flûte, trompette réparée par une agrafe, et tambour. Même dans cette pauvreté, ils n’oublient pas l’art de vivre.
Me voici invitée à manger dans une des maisons du village, assise en lotus, par terre, dans une petite pièce toute propre, aux murs roses, qui constitue la pièce principale du foyer. Sans même parler leur langue et sans les avoir jamais croisés auparavant, ces gens m’accueillent aussi bien qu’ils le peuvent. Sur une large feuille de bananier, la maîtresse de maison me sert des morceaux de poulet, noyés dans une sauce à vous décoller les papilles, accompagnés de petits pois au piment et de l’éternel riz. Ce riz, que j’ai avalé chaque jour de mon voyage, sans exception… à en revenir avec une seule envie : ne plus en manger durant plusieurs mois.
Lors de ma première immersion dans un de ces villages, une femme m’accroche le bras et m’entraîne vers sa maison en terre. J’appelle Sebastian, ne sachant quel comportement adopter. Il lui répond que nous devons partir. Je le regrette déjà. Mais quelques minutes plus tard, il m’explique qu’elle tenait à nous inviter à dîner mais qu’il avait refusé car elle se serait privée de nourriture pour nous…
L’empreinte d’un ange dans ma mémoire :
Autre rencontre, autre sourire gravé en moi…
Autre rencontre, autre sourire gravé en moi…
D’une beauté pure, elle m’a souri et j’ai tout de suite eu envie de devenir proche d’elle. Son visage ne laissait aucun doute sur sa bonté. Un être beau et bon… Jamais je n’ai rencontré de personne aussi belle. Totalement dévouée aux autres, elle représente pour moi, tout ce que peut être un ange sur terre.
25 ans, deux frères, des parents épuisés par la dureté de leur vie, un seul nouveau sari par an, étudiante en physique, responsable des plus jeunes dans l’orphelinat, elle se nomme Silvarani. Sa journée : lever 5h du matin (réveillée par les chants radiophoniques qui crient en me faisant sursauter dans mon lit, à chaque lever du soleil), fin du travail à 22h, elle part ensuite étudier dans sa chambre jusqu’à minuit, lorsque ses yeux ne se ferment pas plus tôt, malgré elle. Elle dort à même le sol dans une petite chambre qu’elle partage avec son amie Tamil, une jeune fille au sourire resplendissant.
Particulièrement intelligente, elle tente d’enseigner à ses « petites soeurs », le respect, le partage et le don. Issue d’une famille très pauvre, elle représente un exemple à suivre pour les jeunes femmes intouchables. Elle m’explique qu’elle doit gagner de l’argent pour toute sa famille, aider ses parents qu’elle ne peut voir que très rarement puisqu’elle n’a pas de vacances. Elle aimerait reprendre ses études et devenir professeur. Tous les jours, elle va quelques minutes sur Internet et note des phrases du site des Nations Unies qu’elle recopie à la craie sur un grand tableau noir, dans le hall de l’orphelinat. Elle a demandé à ses parents d’attendre qu’elle termine ses études pour être mariée. Ils lui présenteront plusieurs hommes et elle choisira l’un d’entre eux. « Il sera forcément bien puisque mes parents me le conseilleront. Et puis, on apprend à aimer…». Cette jeune femme est plus qu’admirable. Elle a décidé de se battre chaque jour, en gardant toujours le sourire.
Depuis mon départ, Silvarani m’écrit des mails chaque semaine, qui me rappellent la difficulté de sa vie. Quelques lignes de cette sœur de cœur sont comme une douche purificatrice qui me ramène à l’essentiel…
Il y a quelques mois, elle a décidé de mener un nouveau combat : "Epouser l'homme qu'elle aime. Ravi (mon ami dont je vous ai parlé, à ma plus grande surprise et joie!!)"... Une véritable mission pour son statut d'intouchable qui ne laisse pas de place à ce genre de choix..
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