
Un village ravagé, 40 maisons attaquées, 10 entièrement détruites, des hommes masqués et animés par la haine, venus terrifier un village d’intouchables. Pourquoi ? Pour avoir érigé un drapeau d’un parti politique d’intouchables dans le village. Ici, cette atrocité s’inscrit dans la rubrique des faits divers. Jamais de telles nouvelles n’atteignent nos fragiles oreilles. Ce système de castes me rappelle étrangement la situation passée de l’Afrique du Sud, qui a mobilisé le monde entier. La minorité qui se révolte face à cette injustice emploie d’ailleurs le mot « apartheid ».
513 cas d’agression non jugés dans le Tamil Nadu en 2004 ; La plus grande démocratie du monde ne met pas en exergue ses « imperfections ». Encore aujourd’hui, peu de médias internationaux dénoncent ce système des castes, pourtant encore si présent. « Knowledge is power » est la devise de l’association française, Collectif India, grâce à laquelle je suis partie. En effet, la seule façon d’être respecté tels le prônent les droits de l’homme, est d’en prendre connaissance.
En travaillant parmi eux, je comprends rapidement comment ils se reconnaissent les uns des autres. Lors d’une démarche commerciale dans un hôtel de luxe, j’accompagne Ravi, un jeune indien boulanger, surprenant par ses initiatives et son acharnement face à la vie. Ce jeune homme avec qui je discute et ris chaque jour, si vif et intelligent, baisse le regard devant le directeur de l’hôtel. J’en suis surprise et touchée. J’ai tant envie de lui dire : « Regarde-le en face et montre lui qui tu es ! ». Mais Ravi n’imagine pas un tel acte. Il se bat à sa façon chaque jour en n’oubliant jamais qu’il n’est qu’intouchable et dépendant de la bonne humeur de ses clients.
De majorité hindouiste, la société indienne a été divisée durant 2000 ans suivant 4 castes (sans compter les intouchables, considérés comme hors caste), desquelles on ne pouvait s’extraire. Les mariages entre caste commencent doucement à s’imposer.
A Madurai, on estime à 6780 familles réparties dans 42 ghettos, qui dépendent toujours de cette terrible tradition d’être considérées comme des moins que rien. Elles n’ont accès qu’aux pires métiers, tels que nettoyer les fausses sceptiques, s’occuper des animaux morts, construire les routes ou trier les déchets des hôpitaux. Les enfants, âgés entre 8 et 15 ans, remplacent souvent leurs parents malades et travaillent plus de 8 heures par jour. Peu d’espoir ensuite de retourner à l’école… Seuls 36% des habitants des ghettos sont lettrés. La plupart d’entre eux est exploitée par des propriétaires privés, qui décident, le matin même, de leur donner un travail pour la journée, ou non.
Leur vie dépend aussi du climat. Beaucoup tentent de survivre à l’aide de petites cultures ou de travaux dans les champs. En début d’année, le manque d’eau dans le Tamil Nadu a été dramatique. Mais pire encore : la saison des pluies qui a suivi. Elle a tout englouti : 40 ans qu’il n’avait pas plu ainsi ! De nombreux intouchables des villages se sont suicidés, ayant tout perdu pour la troisième fois de l’année, sans aide de l’état pour cette ultime tragédie.
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